"Les sentiments qui ne permettent pas d'avancer nous font reculer".
Aucun sentiment, mis à part la haine à l'encontre de son père : c'est la ligne de conduite d'Yvelda et elle s'y tient. Loin d'elle donc d'éprouver colère, envie, amour ou autre ; elle est impassible.
Derrière une apparente douceur, Yvelda cache en réalité un caractère dur et intransigeant. Elle s'est battue pour obtenir et conserver sa place de dirigeante car, malgré les critiques, les rancœurs de certains et la jalousie qu'elle suscitait, jamais elle n'a baissé la tête. Elle est bien déterminée, l'ambitieuse dirigeante de Wutao ! On la dit aussi très sévère mais juste, même si ceux qui ont eu à souffrir de ses décisions radicales prétendent le contraire.

Personne n'aurait cependant l'audace de défier cette grande dame, car même si sa force ne réside pas dans ses muscles, elle en impose autrement. Sa grande taille, sa prestance, mais aussi et surtout ses compétences et son érudition forcent le respect. Nul besoin d'arme ou même simplement de hausser la voix pour prendre le dessus, on l'aura compris : Yvelda est une dirigeante naturelle qui sait ce qu'elle fait et pourquoi elle le fait, que personne ne s'avise de l'en dissuader ! Aucune crainte cependant qu'elle n'en vienne aux mains, c'est une personne calme, qui garde son sang-froid quelles que soient les circonstances.
Ce caractère fort, que beaucoup qualifient de froid, est certes un avantage pour bien assumer son rôle, mais il la dessert dans sa vie personnelle. Peu de gens ont le courage et l'envie de la côtoyer, la solitude est ainsi devenue sa compagne forcée et on ne lui connait aucune relation amicale ou amoureuse. Elle l’a accepté, finissant même par s’en targuer.

Le premier mot qui vient à l'esprit quand on rencontre Yvelda est "grande". En effet, sa taille avoisinant les un mètre soixante-dix-huit lui octroie une prestance et une autorité sans équivoque.
Un regard sombre, une bouche fine au sourire esquissé, une chevelure parsemée de quelques fils argentés, voilà le portrait d'une femme douce et aimable... en apparence. Mais si on observe mieux ces yeux sans éclats chaleureux, on peut alors déceler la dureté du caractère et l'assurance portée par ce regard bien droit.

Son corps fin à la musculature faible est enveloppé de vêtements chauds et confortables, aux tissus riches et bordés de fourrures. La tenue témoigne de la bonne condition sociale d'Yvelda, observation confortée par le port de bijoux de valeur honorable.

"Comme papa, je serai chef d'une grande ville". Voilà, le ton a été donné très tôt... Yvelda avait tout juste cinq ans que déjà elle savait qu'elle dirigerait : la petite fille en était certaine, elle aurait un grand rôle à jouer.

Le début de sa vie fut glacial, autant qu'il devait l'être pour celle qui, pour naître, avait pris le dernier souffle de sa mère. Son père lui en voulut du début à la fin et le lui fit payer cher, la tenant pour responsable de la mort de sa femme. Les coups pleuvaient souvent sur elle, assenés par ce géniteur qui avait découvert le soutien de l'alcool ; mais, loin de la décourager, chaque coup l'endurcissait, lui forgeant un caractère affirmé et dur. Elle le regardait du coin de l'œil - et dire qu'il était fier et admiré de tous ! Dirigeant d'une des plus grandes villes de Venderfel, il était très respecté et personne ne pouvait se douter qu'il menait la vie dure à cette adorable gamine si douce, qui avait bien de la chance d'avoir un papa aussi gentil. Elle l'observait donc, du haut de ses cinq ans, meurtrie dans sa chair mais pas dans son âme, et elle savait que pour l'atteindre, il lui faudrait le surpasser.
Deux années passèrent ainsi, rythmées par les poings et le fouet, les raclées s'intensifiant et avec eux, la haine portée à ce géniteur. Cependant, Yvelda ne laissait rien paraître de ce qu'elle ressentait, se réfugiant dans la lecture, se nourrissant de toutes les connaissances possibles.

Son père ne sut jamais comment ce fut découvert mais ce le fut. Il n'était pas bien vu, pour un homme ayant un poste aussi important, respecté jusqu'alors, de sombrer dans l'alcool et surtout la violence à l'encontre de sa propre fille. La réaction fut radicale : révoqué, banni, conspué, il avait intérêt à disparaître, lui qui avait trahi la confiance de tous.
La petite fille, alors âgée de sept ans, ne comprit pas pourquoi il fallut partir en pleine nuit en ne prenant que le strict nécessaire. Ils allaient habiter à Quanjin maintenant, lui avait dit son père. Elle ne posa aucune question mais se douta que le reste de leurs affaires allaient arriver le lendemain dans leur nouvelle maison. Hélas...
Non seulement ses jouets, ses vêtements et ses poupées ne vinrent pas la rejoindre, mais en plus, il fallait garder le secret de leur origine, ne pas dire qu'ils étaient de Venderfel, au risque d'être tués. Yvelda savait à peu près qu'il existait des tensions de plus en plus importantes entre Quanjin et les autres nations, mais elle n'en était pas responsable, alors pourquoi irait-on la tuer ?

La guerre éclata peu après, et avec elle une idée germa dans l'esprit de la fillette : ce ne serait pas si désagréable que son père ne soit plus là pour lui donner des coups, parce que le fouet, lui, il était bien ici, avec eux. Fut-ce pour cela qu'un jour elle alla raconter le secret aux enfants qui jouaient avec elle, dans la rue ? Une erreur, une étourderie ou un acte volontaire ? Toujours est-il que le temps que la nouvelle se propage, la fillette se réfugia dans la cave de la demeure et attendit que les bruits violents et les cris de son père cessent avant de remonter. Le corps mutilé et inerte de son bourreau paternel lui montra à quel point il n'était pas bon de dire d'où on venait en temps de guerre.

Il existait heureusement des familles pour lesquelles la guerre des nations avait peu d'importance, surtout lorsqu'il s'agit de recueillir une adorable gamine orpheline. Ainsi, Yvelda put grandir en toute sérénité, élevée dans l'adoration et le respect de Quanjin, réussissant des études brillantes. Passionnée par les affaires politiques, elle mena bien des combats de rue, en marge de la guerre qui faisait rage, haranguant ceux qui voulaient la suivre dans des manifestations pour la paix et la réconciliation. Il était évident que son âme était à présent du côté de Quanjin et bien des fois, elle montra son soutien inconsidéré à la lutte contre sa nation d'origine. Ses études l'avaient menée jusqu'au noble métier d'avocate, elle s'en servit souvent pour sa cause pacifiste, couvrant des actes parfois en limite de la légalité.

Elle avait quarante-quatre ans quand la guerre se termina. Elle fit alors valoir son droit à régir une grande ville, Wutao, au nom de son implication et des services rendus pendant la guerre. Il lui fallut convaincre, insister ; il y avait encore des gens pour qui elle était "celle de Venderfel". Mais sa persévérance, sa maîtrise parfaite de l'art oratoire et, surtout, la démonstration de ses compétences lui permirent d'être élue triomphalement à cette place qui devait être la sienne. Ce fut sans regret qu'elle quitta son métier d'avocate pour se consacrer à "sa" ville, jour et nuit.

Elle y est encore et pour de nombreuses années, tant qu'il lui restera un souffle de vie, celui qu'aucun enfant à naître ne viendra lui voler. Toutes les mauvaises langues n'ont pas cessé de chauffer à force de répéter qu'elle est illégitime à cette place, elle, l'étrangère, mais peu importe. Beaucoup savent qu'elle appartient à Quanjin à présent, et qu'elle assume son rôle mieux que quiconque.