Justice, loyauté et droiture.

Justice, il la prône haut et fort. Que ce soit par la voie officielle qui est celle des jugements ou par un moyen plus direct de la rendre soi-même, il n'y a aucune dérogation possible : on doit rendre les coups reçus, ni plus, ni moins.

Loyauté, personne ne pourrait lui reprocher d'avoir un jour failli à sa parole. Il est fidèle à sa nation d'origine, à celle qu'il a choisi de diriger ou encore à ses nombreux amis. Cependant, il n'est pas dupe et sait très bien vers quels "amis" doit se tourner sa loyauté, loin de ceux qui savent profiter de son rang et dont les sourires ne sont que feints.

Droiture : il est irréprochable à ce niveau. Respectueux des règles établies, il ne va jamais au-delà, même pour assouvir sa soif de vengeance. Car l'homme est en effet très vindicatif, n'ayant de cesse de traquer et de faire payer ceux qui l'ont trahi, qui l'ont blessé ou laissé dans une mauvaise situation sans lui venir en aide. Il est d'ailleurs risqué de faire quoi que ce soit qui puisse provoquer ce désir de vengeance, car Aran est sans pitié et d'une cruauté implacable face à ses ennemis. Il aime, plutôt même ressent une certaine jouissance, à faire souffrir ses victimes, le coup de grâce ne venant que tardivement après maints supplices inventifs et violents. Mais attention, droiture et justice font qu'il ne se permet cette petite fantaisie que pour ceux qui l'ont méritée ! A ses yeux.

Enfin, le Chêne est fort et solide, il ne plie pas, aussi bien dans les discussions où l'on tenterait d'influencer ses opinions et ses décisions que face au danger. D'ailleurs, quel est ce mot, "danger" ? Courageux, voire téméraire, il ne connait plus la peur depuis la dernière fois qu'elle a pris ses entrailles, il y a trente-huit ans.

Qu'il a fière allure, ce gaillard ! Un air barbare et sauvage, qu'il entretient par une chevelure longue rattachée en un haut chignon, ainsi qu'une barbe fournie grisonnante : l'ensemble effraie et c'est bien l'effet qu'il veut donner. Le regard droit entouré d'un maquillage sombre et la bouche qui semble figée en un rictus mauvais soulignent l'avertissement - s'il y en avait encore besoin - : Aran n'est pas commode. Pour les plus observateurs, il suffit de regarder ses prunelles dans lesquelles brille ce feu de violence pour déceler la cruauté qui anime l'homme.

Il est donc rude de caractère, autant que le climat qu'il lui faut supporter ; mais son corps costaud en est bien protégé par d'épais vêtements fourrés, surmontés d'une armure toujours bien entretenue.
Et c’est un chloridan... peu arrivent à soupçonner sa race, tant son apparence est humaine. Pourtant, la peau qui recouvre son corps est épaisse comme l'écorce d'un arbre : elle résiste à bien des assauts, coups, températures extrêmes, ou encore au vent qui ne la desséchera pas.

Aran eut un début de vie classique, de chloridan classique, dans la forêt de Pourpre avec sa famille et ses amis, rien à dire de plus. Mais voilà qu'un jour, ceux de Quanjin ont débarqué et ont voulu prendre sa forêt ; ils ont voulu qu'elle leur appartienne et là, ce n'était plus pareil. Les chloridans se sont battus pour ne pas céder, ils ont résisté au péril de leur vie. Aran a perdu beaucoup de ses proches dans ce combat qui a vu la victoire de ceux de la forêt, mais malgré tout, un sentiment l'a envahi à ce moment-là : la peur. Certes, les envahisseurs furent repoussés, un document a bien été signé attestant de la neutralité de la forêt, mais qui garantissait que ce pacte ne serait pas rompu un jour ? Sa crainte la plus forte était cette question lancinante qui l'obsédait et l'empêchait d'être serein : et s'il prenait l'envie de nouveau à ceux de Quanjin, ou même de Venderfel, de venir reprendre le territoire des chloridans ?

Dès lors, le Chêne n'eut plus qu'une obsession, celle de s'assurer que jamais plus la forêt de Pourpre ne serait en danger d'être annexée ; et le meilleur moyen était d'occuper un poste élevé dans la nation même qui représentait le plus grand danger : Quanjin. Mais comment s'y prendre, lui, un petit chloridan sans grande importance, pour devenir un dirigeant d'une des villes de cet empire ? Là où la prise du poste par la force était impossible, il fallait réfléchir à une tactique plus stratégique, mettre au point un combat plus psychologique que physique.

La décision fut difficile à prendre, mais il n'avait rien à perdre et tout à gagner pour ses compagnons chloridans. Sa famille décimée, rien ne l'obligeait à rester ici - et puis ce n'était pas un départ définitif, il aurait l'occasion de revenir de temps en temps, une fois bien installé là-bas. Il alla donc à Quanjin, choisissant la ville la plus proche, Kaeon. Les débuts furent compliqués, trouver de quoi se loger, se nourrir, tout en faisant des petits boulots mal payés et sous les regards méfiants ; bien qu’il ressemble beaucoup à un humain, ses caractéristiques chloridanes le rendaient très impopulaire. Il prit alors une décision difficile, et par des procédés chirurgicaux et magiques il prit une forme parfaitement humaine.

A force de persévérance, il eut enfin l'opportunité qu'il attendait : être un serviteur du dirigeant de Kaeon en place. Il sut alors que la partie serait gagnée. Semer le trouble, la discorde, miner par l'intérieur pour mieux réussir le sabotage qui l'amènerait vers le poste tant convoité... Jour après jour, il complota : des rumeurs propagées, des soupçons partagés, de la haine instillée peu à peu à l'entourage du dirigeant... le travail de sape prit du temps, beaucoup de temps ; mais Aran était patient.

Devenu le seul serviteur de toute confiance après avoir fait discréditer tous les autres, le Chêne fut alors nommé bras droit et obtint ainsi non seulement les faveurs du dirigeant, la considération de tous, mais aussi et surtout des droits et privilèges très intéressants pour la suite. Le travail de sape se poursuivit mais à présent, il fallait détruire celui dont il voulait la place. La chose fut assez simple, il suffisait de falsifier quelques écrits et de les rendre compromettants, d'autant plus aisé quand on a main mise sur les documents officiels.

Ainsi donc, le dirigeant de Kaeon fut destitué de son poste par un peuple convaincu de ses trafics louches, de ses affaires de mœurs, de ses réseaux clandestins et même de ses crimes. Qui, mieux que celui qui avait tout découvert et tout dénoncé, pouvait bien reprendre la direction de la ville ? Aran fut nommé à l'unanimité au poste qui lui permettait dorénavant d'avoir son droit de regard dans les décisions concernant une quelconque annexion de la forêt de Pourpre, si d'aventure il en était un jour question. Quant à l'ancien détenteur du poste, il fut lynché en place publique par des citoyens avides de justice. Tant mieux, son silence serait assuré.

Fait étrange, depuis toutes ces années, Aran est devenu un fervent défenseur de sa ville et de sa nation : il a appris à l'aimer et à la servir, aussi bien que son territoire d'origine. Mais il n'en oublie pas pour autant la raison pour laquelle il est là, il n'oublie pas sa forêt chloridane, pour laquelle il lui faudrait lutter si elle était menacée. Dans ce cas, s'il n'arrivait pas à changer la décision de Quanjin, si la nation décidait de prendre la forêt de Pourpre, il lui faudrait choisir son camp. De quel côté serait-il dans la bataille ? Il préfère penser que jamais cela n'arrivera...